La renaissance de la pirogue du Zémé!
La pirogue du Zémé, mise aux arrêts par des événements chaotiques et des douleurs indélébiles, signe son retour sur la scène. Espace d’expression et de partage, tel une aiguille qui recoud les valeurs, les villes et les peuples. De sa conception à sa mise en œuvre, plusieurs artistes ont exploré des zones riches en culture, des zones où ils ont su déterrer l’inspiration pour créer et faire vivre la culture à travers leur créativité.
Ce projet prometteur est une initiative de l’association Don Sen Folo mis en œuvre par la Fédération FounouFounou et financée par l’Union Européenne. Sous forme de résidence de création, les artistes sélectionnés explorent des thématiques telles que la migration, la place de la femme, la parole de la jeunesse et le changement climatique pour créer des spectacles purement expressifs dans différentes expressions artistiques.
L’immersion des artistes dans des environnements variés est une véritable expérience qui leur a permis d’explorer le Mali, sa diversité culturelle et sa richesse patrimoniale. Un projet artistique d’une telle envergure peut changer tant de dynamiques dans un pays longtemps secoué par les crises, du nord au centre, en passant par le sud. Le fleuve Niger est une richesse qui a été explorée sous plusieurs formes, mais celle-là a un impact réel, non seulement sur sa protection, mais aussi sur le renforcement d’une cohésion sociale durable entre les peuples vivants dans la ceinture du fleuve. L’idée d’un projet flottant sur le fleuve vient changer de paradigme et propose une sorte de créativité artistique totalement nouvelle. C’est un art qui vit comme l’eau sur laquelle il flotte. Un art en mouvement comme le corps qui s’exprime. Un art en quête d’originalité, de changement, d’espace de création, de méditation et de réflexion sur les interactions entre l’homme et son environnement.
Quand l’art s’associe à l’homme et à son environnement, il y a une forme de vie qui se constitue. Cette plateforme flottante, aborde un voyage initiatique, un processus de transformation de l’homme à travers ces disciplines artistiques et ces thématiques toutes d’actualité.
On se souviendra des événements qui ont conduit à l’arrêt de ce projet pendant de longs mois. Des défenseurs de la culture, des donneurs d’espoir ont été privés de leur liberté d’expression artistique alors qu’ils œuvraient pour une cause noble. L’artiste s’exprime pour tous !
À vrai dire les armes n’ont jamais cessé de pleurer ! Les tueries continuent. Les populations meurtries, des hommes arrachés à l’affection de leurs parents et l’on tente de noyer le peu d’espoir qui aurait pu faire renaitre le sourire.
L’art mène également son combat comme il le peut. C’est dans cette mission que les artistes ont été privés de ce projet novateur avec la destruction de la pirogue et l’arrestation de l’équipage. Cet épisode a renforcé le soutien autour du projet. Les artistes et acteurs culturels se sont battus pour redonner espoir et croire à cette aventure qui s’est annoncée périlleuse.
Et la renaissance au grand jour s’annonce ! Aujourd’hui, plus rien n’arrête cette initiative qui compte amorcer le changement. L’espoir nourrit a porté ses fruits. L’équipage de retour. La pirogue est ressuscitée. Elle doit être en reconstruction dans les prochaines semaines et rentrera à nouveau dans la danse. Les artistes auront la lourde responsabilité de convoquer cette histoire, cet héritage et ces connaissances enfuis dans les profondeurs du fleuve. S’il y a témoin de l’histoire, le fleuve en est un. Il a transporté des personnes, des marchandises et des récits depuis des siècles. Après de longs mois de suspension, de réflexion, de reconstruction, de recherche de solutions adéquates, les artistes reprendront l’aventure Zémé en faisant leurs résidences à Koulikoro et les restitutions des créations à Bamako.
La pirogue du Zémé est bien de retour, avec un champ d’intervention restreint. Et pourtant, le Mali en a besoin. Pas seulement une portion du territoire, mais partout où le fleuve mène sa danse. Ce fleuve aurait juste pu suivre son cours avec le théâtre, les marionnettes, la photographie et la danse.
Redonner le sourire aux autres est un don inestimable. Bien de personnes vivent dans des zones où elles n’ont qu’à des rares fois accès à l’art. Ce projet est une thérapie qui doit continuer à exister vu son impact et sa possibilité d’approcher des populations qui n’ont pas accès à l’art dans des espaces conventionnels.
Zakariahou ALHOUSSEINI