La Transition malienne a souffle sa quatrième bougie le 18 aout 2024 : Bilan d’une période à l’allure d’un mandat présidentiel
18 Août 2020- 18 Août 2024, c’est hier dimanche que la transition malienne a soufflé sa quatrième bougie dans un contexte sociopolitique voir sécuritaire délétère. Ce quatrième anniversaire du renversement du régime démocratiquement élu d’Ibrahim Boubacar Keita se passe dans la plus grande sobriété pour les tenants du pouvoir et dans une totale indifférence d’une frange importante du peuple. Pour rappel c’est après plus de 3 mois de contestation populaire contre le régime d’IBK qu’un comité national pour le salut du peuple, CNSP, avec à sa tête le Colonel Assimi Goita, a pris la responsabilité de renverser le Président, après parachevé l’immense travail abattu par les forces dites du changement regroupées au sein du Mouvement du 5 juin Rassemblement des Forces Patriotiques, M5 RFP. Que de chemins parcourus, que de promesses faites, mais surtout que d’attentes non comblées.
Quel bilan pourrait-on tirer de quatre longues années de transition ?
C’est dans une grande ferveur populaire et surtout dans l’espoir de voir le Mali débarrassé de tous les maux qui ont été à la base de la chute du régime d’IBK et enfin envisagé son épanouissement que les forces vives du pays ont accueilli les nouveaux héros avec enthousiasme. Le meeting qui a suivi le coup d’Etat militaire a été celui de la légitimation du régime militaire issu du coup de force, et cela malgré que le coup d’Etat soit qualifié de crime imprescriptible par la Constitution malienne. La lune de miel entre le M5 RFP et le CNSP ne sera pas de longue durée, car une crise de confiance a éclaté dès qu’il s’est agi de désigner un Président civil pour diriger la transition. Contre toute attente la frange militaire de la transition a jeté son dévolu sur le Colonel à la retraite Ba N’Daw pour diriger la transition. Ce choix qui n’a pas fait l’objet d’aucune concertation encore moins d’un consensus entre les deux forces qui composent la transition a été le premier véritable clash entre civils et militaires formant théoriquement l’alliance pour diriger la transition. La crise va se prolonger car ni la composition du gouvernement encore moins celle du Conseil National de Transition, CNT, n’ont fait l’objet de concertation entre les deux composantes de la transition. Il a fallu que le Président de la transition d’alors fasse un remaniement ministériel en sortant du gouvernement deux des cinq colonels pour qu’il y ait une autre crise, celle qui a abouti au deuxième coup d’Etat, cette fois-ci contre le Président de la transition Bah N’Daw et son premier ministre Moctar Ouane. Cette nouvelle donne a remis en selle le M5 RFP qui a fini par hériter de la primature dont le Président du comité stratégique devient le nouveau locataire, et cela après les Assises Nationales de la Refondation qui ont donné une nouvelle feuille de route et une nouvelle durée de la transition de 6 mois à 5 ans. Pour rappel cette nouvelle prolongation est intervenue après l’expiration de 18 mois fixés par les autorités de concert avec la CEDEAO. Le nouveau Gouvernement choisira 24 mois au cours duquel délai des reformes seront menées et un nouveau Président sera démocratiquement élu pour mettre fin à la transition. A peine les Assises terminées et qu’un nouveau gouvernement ait été mis en place avec à sa tête le premier ministre Choguel K Maiga, la longue et difficile marche a commencé. Le ton a été donné par le nouveau PM, ce dernier pour épater ses partenaires militaires s’est livré à des diatribes contre tous ceux qui sont supposés être des voix discordantes de la transition, le point d’orgue de cette posture de victimisation haineuse et belliqueuse du PM a été le discours qu’il a tenu à l’Assemblée générale des Nations Unies dans lequel discours il a fustigé la France et toute la communauté internationale de n’avoir pas fait assez pour endiguer le terrorisme et surtout d’être à la base de tous les maux dont souffre le Mali. Comme si cela ne suffisait pas le ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, le Colonel Abdoulaye Maiga, une année plus tard, a tenu un discours similaire d’ailleurs plus virulent que celui du PM, dans lequel il s’est vertement attaqué à certains Présidents de la CEDEAO , à l’ancienne puissance coloniale et même au secrétaire général des Nations Unies !
Après ces deux discours s’en est suivie toute une série de crises diplomatiques, d’abord avec l’ancienne puissance coloniale qui est la France, ensuite il y a eu la fermeture des medias français RFI, France 24 et l’expulsion de l’ambassadeur de la France. Le point d’orgue de cette nouvelle politique dite souverainiste a été la mise à la porte des forces étrangères, Barkhane, Takuba, MINUSMA. La raison avancée par les autorités de la transition est que malgré la présence des milliers de forces étrangères le terrorisme ne fait que s’amplifier et s’exacerber avec son lot de désolation et des crimes horribles. Après le départ des forces étrangères, le gouvernement a signé des accords militaires avec la Russie. Ce qui aurait permis l’arrivée des militaires russes pour former et accompagner les militaires maliens. Des armes ont été acquises grâce à ce partenariat avec la Fédération de Russie. Il y a eu indéniablement un renforcement des Forces Armées. Des résultats tangibles ont été obtenus sur le terrain militaire le sacre de toutes ces prouesses militaires a été la reprise de Kidal des mains des indépendantistes.
Des avancées militaires évidentes, mais un isolement diplomatique sans précédent
Si sur le plan militaire il y a eu des avancées notoires, d’abord par l’achat d’équipements militaires, ensuite par un maillage territorial, et surtout la récupération des emprises de la MINUSMA, tout comme la reprise de Kidal, mais sur le plan diplomatique le Mali a rompu avec ses partenaires traditionnels, au point qu’il semble être isolé diplomatiquement. Comme si cela ne suffisait pas le Mali se joint à d’autres pays pour créer l’AES et du coup quitter la CEDEAO. Si nul ne s’est offusqué de la création de l’A.E.S qui aurait dû être seulement une alliance militaire pour combler le vide que les forces en attente de la CEDEAO n’auraient pu combler, la surprise a été sans nul doute le retrait avec effet immédiat de la CEDEAO. Il était tout à fait normal voir urgent de mettre en synergie les efforts des trois pays de l’AES ; Mali, Burkina Faso et Niger, pour combattre efficacement les forces du mal que sont les terroristes. Mais de là à quitter la CEDEAO ne pourrait relever que d’un agenda politique inavoué. En quatre ans de transition le Mali s’est brouillé avec certains de ses voisins les plus proches et avec lesquels il a des liens sociaux, historiques, géographiques, culturels et économiques forts.
Sur le plan socio-politico-économique
Des reformes ont été certes menées comme entre autres l’adoption d’une nouvelle constitution, celle d’une nouvelle loi électorale et surtout la mise en place de l’Autorité Indépendante des Gestions des Elections, AIGE, mais le rassemblement tant attendu de la classe politique, l’union tant attendue des maliens et surtout la préservation des intérêts économiques ont été les parents pauvres de la transition. Que dire de l’organisation du Dialogue Inter maliens, DIM censé être une occasion idoine permettant aux maliens de se parler sous l’arbre à palabre et de s’entendre sur les grandes priorités de l’heure, mais ine-fine ce dialogue n’ a servi que de donner encore un nouveau bail à la transition et surtout la possibilité pour le Colonel Assimi Goita de faire acte de candidature à l’élection présidentielle à venir. Là où la transition a véritablement péché c’est sur le plan sociopolitique, voire économique. La classe politique n’a jamais été aussi divisée que sous la transition, la crise sociale n’a jamais atteint un tel seuil de gravité, la paupérisation n’a autant concerné un si grand nombre de citoyens que sous la transition et cela de l’indépendance à nos jours, sans parler du nombre exponentiel des réfugiés intérieurs. La perte d’emplois et la fermeture des entreprises et sociétés n’a été aussi exacerbée et généralisée que sous la transition.
En somme, les quatre ans de transition au Mali loin de combler les attentes, sont en passe de devenir une page grise dans l’histoire récente de notre pays. Et pourtant cette transition, la plus populaire par le soutien du peuple, avait tous les ressorts pour jeter les bases d’un pays qui veut amorcer son développement, mais ses animateurs se sont mus en revanchards en l’image du PM Choguel K Maiga, au lieu de rassembler et obtenir des résultats !